Problématique du voile dans la perspective religieuse

Orientations de la Commission pour le Dialogue avec les Musulmans (CDM)

La dissimulation du visage ou dʼautres parties du corps par le voile nʼest pas dʼabord ni exclusivement un phénomène islamique: elle relève de lʼhistoire de lʼhumanité, faisant surface à des époques diverses et sous différents semblants (intégrale ou partielle), relative au sexe (masculin ou féminin), avec des significations hétérogènes (sacrée ou profane), quʼelle soit juive, chrétienne ou musulmane ou encore issue de religions non monothéistes. La culture y joue un rôle considérable, peut-être plus déterminant encore que la religion à elle seule. En outre, des considérations dʼordre pragmatique (sanitaires, climatiques ou sexuelles) agissent aussi sur la question du voile. Encore davantage s’imposent les intérêts de la société ou de l’économie (statut social et économique et confinement lié au sexe ou au clan). Sans oublier la perspective quʼinspire la politique de puissance, quʼelle soit culturelle ou religieuse: elle peut conditionner, sinon entraîner la dissimulation (en empêchant à lʼindividu, et en général au sexe féminin, de marquer sa présence et de se profiler dans la vie sociale, économique et politique).

La religion est un chemin permettant à tout un chacun de se rendre conforme à Dieu, dans son individualité ou en groupe: le fait de se voiler intégralement ou partiellement, ou en revanche de ne pas sʼy soumettre, vient à exprimer en lʼoccurrence la liberté religieuse (on affiche une attitude dʼautoprotection, de différentiation vis-à-vis des autres, de conscience de soi-même, dʼidentité). – En soi la religion admet que la personne voilée soit mieux respectée. Pour un(e) croyant(e), la dissimulation peut exprimer lʼobéissance à la volonté de Dieu; et pour les coreligionnaires lʼinjonction à la respecter. Vu de la sorte, le voile peut être lʼinstrument dʼun mode de relation personnelle avec Dieu et constituer dans la foulée, pour les croyants, un moyen de suivre leur propre parcours religieux.

Limite de l’adhésion à Dieu dans la société: est-il possible et doit-il en être ainsi, quʼun être créé par Dieu se rende totalement ou partiellement méconnaissable? Peut-on contraindre quelquʼun, fût-ce au nom de Dieu, de cacher son identité? Nous croyons que chaque homme et chaque femme a le droit de se vêtir à son goût, indépendamment de ses appartenances culturelles ou religieuses. A tout un chacun le droit de choisir et parcourir librement le chemin et la recherche de ce qui lui paraît vrai et juste. Néanmoins, cette liberté nʼest pas inconditionnelle. Lʼattitude de celui qui ne partage pas ce point de vue et ne veut suivre ce chemin a également un droit de cité et mérite le respect. Dans ce sens, pour la société lʼidentification de lʼ”en face” nʼest pas négociable: en effet, le droit de savoir avec qui on a affaire est essentiel à notre ordre public.

 
Fribourg, en février 2021

  
Commission pour le Dialogue avec les Musulmans (CDM)

 
+ Alain de Raemy, Président        Dr Erwin Tanner-Tiziani, Secrétaire