Triage des traitements de soins intensifs en cas de pénurie des ressources

Prise de position de la Commission de bioéthique de la conférence des évêques suisses (CBCES) sur le document de l’ASSM

Les défis que la pandémie de Covid-19 pose à chacun d’entre nous sont constants et énormes. Dans cette situation extraordinaire, l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a élaboré des directives d’éthique médicale pour les soins intensifs en cas de pénurie des ressources lors du printemps 2020. Celles-ci ont été révisées en novembre.

Le document de l’ASSM établit, à juste titre, comme principe éthique fondamental, la non-discrimination des personnes fragiles : « L’âge, le handicap ou la démence ne sont pas des critères en soi à prendre en compte » [1].

Une adaptation importante des lignes directrices est que le critère de fragilité (« Frailty ») est désormais inclus dans le processus de décision. Si l’utilisation de ce critère intéressant, le document de l’ASSM propose une définition problématique de la fragilité, car elle repose seulement sur la mobilité du patient, le besoin d’assistance de tiers et/ou son état de démence (cf. schéma p. 5).

Cette échelle exclut en grande partie des soins intensifs les personnes souffrant de handicaps préexistants [2]. La dépendance à l’égard d’autrui ne signifie pas que le pronostic vital est engagé. D’autres définitions de la fragilité, par exemple le modèle de Fried, sont plus adaptées [3]. Elles prennent en compte l’état de santé général du patient, considérant sa capacité à supporter un traitement médical intensif, sans être en soi discriminant pour les personnes âgées, atteintes de démence ou de handicap.

La CBCES enjoint donc l’ASSM à préciser ses critères de tri des patients, en considérant d’autres définitions de la fragilité (« Frailty selon Fried »), permettant de n’exclure de façon systématique ni les personnes âgées, ni celles atteintes de handicap ou de démence.

Les mesures de fermeture ordonnées par les autorités durant la pandémie ont permis de protéger les personnes les plus vulnérables. Ces mesures se fondent notamment sur le préambule de la Constitution fédérale, qui stipule que « la force du peuple se mesure au bien-être des plus faibles ». Cependant, il s’agit d’identifier correctement qui sont les plus faibles pour pouvoir les protéger et les soutenir de façon appropriée. Et n’oublions pas pourquoi nous protégeons les plus faibles : pour les réintégrer dans notre société après la pandémie.

Fribourg, le 30 novembre 2020

Dr. Stève Bobillier, coll. scient. de la CBCES

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[1] ASSM, Triage des traitements de soins intensifs en cas de pénurie des ressources, 4 novembre 2020, https://www.samw.ch/fr/Ethique/Apercu-des-themes/Medecine-intensive.html, p. 4.

[2] Prise de position de Agile.ch : https://f2bd7165-d0ed-406a-bac0-4fa0c0d60fa3.filesusr.com/ugd/3b62ac_886420e37dc84da6a963210e0e01239c.pdf?index=true ;

et de Inclusion-handicap.ch: https://www.inclusion-handicap.ch/de/medien/menschen-mit-behinderungen-aus-intensivmedizinischen-behandlungen-ausgeschlossen-556.html

[3] https://medicalforum.ch/rsrc/jf