Discours de Mgr. Charles Morerod

Inauguration du pavillon suisse « Prophezey » à l’exposition universelle de la Réforme à Wittenberg

Tout d’abord, je remercie la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse de nous avoir associés à ce pavillon commun : c’est son initiative, et nous y répondons avec joie et reconnaissance.

Lors de sa visite en Suisse en 1984, le pape Jean-Paul II avait dit qu’il fallait écrire ensemble l’histoire de la Réforme : c’est important pour que nous ne nous contentions pas de la voir chacun à partir de notre perspective. Le document sur l’œcuménisme du Concile Vatican II a donné comme principe fondamental que l’on présente « l’autre » de manière à ce qu’il puisse se reconnaître dans le portrait que nous faisons de lui (cf. Unitatis Redintegratio § 4). La caricature des uns et des autres favorise la violence.

L’occasion n’est pas totalement heureuse. Nous croyons tous qu’une réforme de l’Eglise était nécessaire, et c’était le but officiel – peut-être pas le vrai but –  du cinquième concile de Latran, peu avant la Réforme. Mais nous regrettons que la Réforme se soit accompagnée d’une division survenue par la faute de personnes de tous les côtés. Nous sommes ici parce que nous voulons l’unité que le Christ demande.

Nous présentons dans ce pavillon commun une traduction de la Bible en allemand, datant d’environ 1300 et réalisée à Zurich probablement par un dominicain du nom bien suisse de Biberli. Cela montre que la Réforme s’inscrit dans une certaine continuité : le désir de mettre la Parole de Dieu à la portée de tout le monde était antérieur, mais il s’est malheureusement fortement ralenti du côté catholique après la Réforme. On reconnaît là un impact malheureux des situations de conflit : chacun renonce à une partie de ce qu’il pourrait faire, afin de ne pas ressembler à « l’autre », et tous y perdent. Notre dialogue nous permet de dépasser ces limitations autoimposées.

Je conclus en vous racontant une histoire personnelle. J’ai vécu 15 ans à Rome. Un soir j’y ai pris un taxi, dont le chauffeur s’est mis à parler de la foi. A la fin, alors que nous discutions à côté de son taxi, il m’a demandé si je pouvais lui proposer un livre pour l’approfondissement de sa foi. Je lui ai suggéré de lire l’Evangile. Il s’est exclamé, totalement surpris : « Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour un prêtre me suggérerait une chose pareille ! » Dans le fond, il y a du vrai dans certaines caricatures protestantes des catholiques, et nous avons tous une marge de progrès !